Discours et Déclaration finale

DISCOURS INTRODUCTIF - Alain PELLET, Président de la Société française pour le droit international

Excellences, Mesdames et Messieurs, Chers collègues, Chers amis,

Tout d’abord, je tiens à vous souhaiter à tous la bienvenue et je dois dire que la participation à cette Rencontre dépasse nos attentes tant en quantité qu’en qualité. C’est la preuve que la Rencontre Mondiale des Sociétés pour le Droit International répond à un besoin, que leurs conseils et leurs membres souhaitent se rencontrer, s’exprimer et échanger avec d’autres acteurs de la société internationale sur ce qui constitue leur raison d’être : l’étude, la défense et la promotion du droit international – public ou privé, général ou spécialisé. C’était déjà la conclusion que nous avions tirée de la Rencontre de Strasbourg ; c’est encore une fois la conclusion que nous tirons de notre participation à cette Rencontre. Et une précision au passage : nous avons systématiquement invité toutes les instances consacrées au droit international sans exception et sans trop nous soucier des considérations politiques ou diplomatiques.

Quelles sont ces attentes ?

En premier lieu, il me semble que cette Rencontre, qui va nous donner l’occasion d’échanger aussi bien lors des panels formels qui vous sont proposés que durant les pauses-café ou les repas, est un but en soi. Je suis d’ailleurs très heureux d’annoncer que la Société péruvienne de droit international a d’ores et déjà proposé de prendre le relais et d’organiser une troisième Rencontre à Lima, dans deux ans. Dans le même esprit, nous souhaitons revivifier le Réseau mondial des sociétés pour le droit international créé dans la foulée de la Rencontre de Strasbourg et animé par la professeure Clémentine Bories.

En second lieu, vous aurez peut-être remarqué que nous parlons systématiquement de sociétés « pour » le droit international. Telle est l’appellation officielle de la Société française et de quelques autres sociétés sœurs, alors que la plupart des institutions représentées ici sont des sociétés de droit international. Je sais que, nous autres Français, nous sommes souvent taxés d’arrogance ; mais ce n’est pas par « impérialisme » linguistique ou par chauvinisme que nous avons délibérément choisi cette appellation. Il nous est apparu que ce qui est le plus important pour notre action est la défense et la promotion du droit international – et, par les temps qui courent, il me semble qu’il en a bien besoin.

La semaine dernière, dans cette même enceinte, Dame Rosalyn Higgins, qui nous fait l’amitié de présider la dernière session de notre Rencontre, a dit détester les appels au secours du droit international. Je suis souvent d’accord avec elle ; mais pas sur cela : il ne fait pas de doute que la notion de « crise » du droit international est un peu une tarte à la crème. Il n’en reste pas moins qu’il y a certainement une crise de confiance à l’égard de notre discipline et que les motifs d’inquiétude sont grands. La vocation de nos sociétés est de tenter d’y répondre et de freiner, si possible d’inverser, le détricotage auquel on assiste actuellement du droit international tel qu’il a émergé des deux guerres mondiales.

Bien sûr, en deux jours, on ne peut pas passer en revue de manière approfondie tous les éléments de cette crise (ou de cette crise de confiance) ni envisager en détail les moyens d’y répondre. C’est d’ailleurs pour cela que tous les intervenants ont été dûment prévenus qu’il ne s’agissait nullement d’un colloque académique ; que les interventions seraient strictement limitées à huit minutes au grand maximum (et je compte sur les présidents de séance pour faire respecter cette règle sans faiblesse) ; et que les actes de la Rencontre ne seraient pas publiés en volume. Comme je l’ai dit il y a un instant, notre ambition est autre : brosser à grands traits les motifs d’inquiétude – et, s’il y en a, ceux de se rassurer ; ce sera l’objet des discussions de ce jour en séance plénière ou en ateliers. Échanger nos expériences et réfléchir ensemble aux moyens de répondre à ces défis aussi bien au niveau de chacune de nos sociétés qu’en coopération les unes avec les autres, que ce soit dans le cadre de l’International Law Association (qu’il n’entre nullement dans nos intentions de concurrencer) pour ce qui est des branches nationales de cette institution, ou d’une autre manière à un niveau plus global encore.

À cette fin, nous vous proposerons d’adopter demain, à la fin de nos débats, une déclaration dont nous avons envoyé le projet aux différentes sociétés représentées et dont une version corrigée en fonction des observations que nous avons reçues a été distribuée dans les deux langues de travail de la Rencontre. Outre le renforcement de l’activité du réseau des sociétés sœurs dont j’ai déjà dit quelques mots, l’une des premières actions communes que nous suggérons serait d’effectuer une ou des démarches auprès du gouvernement néerlandais pour essayer d’obtenir que la subvention traditionnelle à la Bibliothèque du Palais de la paix, qui est l’une des sources principales pour les chercheurs en droit international, ne soit pas terminée ou diminuée comme cela semble être malheureusement envisagé. Pour plus de renseignements sur ce projet, je vous suggère de vous adresser à la professeure Catherine Kessedjian…

Un petit mot encore avant de conclure. Organiser un évènement comme celui-ci est une entreprise très lourde – et tout spécialement pour une organisation comme la Société française qui dispose de moyens très limités à la fois financièrement (au passage un très, très grand merci à nos sponsors que je ne peux énumérer tous, mais la liste est reproduite sur la 4ème de couverture de vos programmes et projetée en ce moment) et humainement ; une mention spéciale cependant pour Jus Mundi qui est une toute nouvelle plateforme de recherche de jurisprudence en droit de l’investissement et en droit international et qui procèdera à des démonstrations pour toutes les personnes intéressées durant les pauses-café ; c’est aussi Jus Mundi qui a conçu le site de la Rencontre et le design du programme. Je remercie également tout spécialement l’Académie de Droit international, sous le patronage de laquelle cette Rencontre est placée, le Curatorium et son Président, Yves Daudet, son Secrétaire général, Jean-Marc Thouvenin, et sa Secrétaire générale adjointe, Monique Legerman, pour leur soutien sans faille. Et puis, last but not least, j’ai eu la chance de bénéficier du concours de la Secrétaire générale de la Société française, Anne-Thida Norodom ; de la trésorière, Caroline Kleiner, et de Clémentine Bories déjà citée et, elles ne m’en voudront pas si je dis « et peut-être surtout », de deux formidables stagiaires, Etienne Lafond puis Jeanne Dupendant, qui m’ont été d’une aide extraordinaire.  Ceci dit, nous avons fait ce que nous avons pu « avec les moyens du bord » et je vous remercie par avance de votre indulgence (et, en particulier d’éviter toute discussion procédurale : nous ne sommes pas aux Nations Unies, ni même à l’Institut de Droit international !).

Une annonce importante  pour terminer : vous trouverez sur la table où se trouvent les programmes une pétition en faveur de notre collègue Maurice Kamto, qui est l’un des grands internationalistes africains ; il est emprisonné au Cameroun, avec un grand nombre de ses soutiens politiques, et tout porte à croire que les droits de la défense et à un progrès équitable ne sont pas respectés ; je vous invite vivement à signer cette pétition nombreux ; nous communiquerons la liste des signataires au Gouvernement camerounais.

Merci et que la fête commence ! Car, malgré les dangers qui le menacent, c’est à une fête du droit international que nous vous avons conviés…

ACCUEIL - Yves DAUDET, Président de l’Académie de droit international de La Haye

Bienvenue au siège de l’Académie de droit international.

Félicitations à Alain Pellet pour avoir conçu un impressionnant programme  et à son équipe très performante sans oublier les autres sociétés qui ont apporté leur concours, leurs idées et donné leur accord pour prendre en charge l’organisation des différents panels.

 

Dans le monde d’aujourd’hui où l’actualité récente nous montre que les principes les mieux établis peuvent être mis à mal, que des conquêtes patientes peuvent être brutalement remises en cause, il est essentiel de nous interroger sur la situation des thèmes majeurs du droit international. C’est à cette réflexion que vous allez vous atteler en ayant à l’esprit les profonds changements, parfois les bouleversements que connaît notre monde du XXIème siècle.

Ces bouleversements et ces incertitudes portent la marque d’une crise de la mondialisation et d’une crise du multilatéralisme qui a partie liée avec lui, et donc finalement d’une crise du droit international lui-même, crise venue des Etats Unis tels qu’ils sont gouvernés aujourd’hui avec de tristes relais assurés par d’étranges responsables premiers d’autres Etats tout aussi peu respectueux de la parole donnée, des engagements souscrits et de la continuité de l’Etat quand ce n’est pas tout simplement des usages diplomatiques de base.

Il est tout à fait normal que le monde traverse des crises. Elles sont souvent même nécessaires pour mesurer les risques, faire émerger les doutes, et conduire aux réformes qui doivent être opérées. Rien de tout cela n’est bien nouveau jusque là.

Ce qui semble aujourd’hui différent et beaucoup plus préoccupant tient à la concomitance  de dangereuses résurgences telles que l’unilatéralisme ou le populisme qui sapent les tréfonds de notre droit, qui s’attaquent à ce qu’il est, qui vont à rebours des progrès accomplis depuis un siècle et sont de surcroît associées à un comportement que j’ai le regret de devoir qualifier de « voyou » de la part de certains dirigeants qui, outre les manquements que j’ai dits, ont recours à des attaques personnelles et de bas étage dont le résultat est qu’ils contribuent à rendre le dialogue plus difficile et la solidarité impossible.

De manière plus générale et dans une perspective de plus haut niveau, une autre particularité marque la période actuelle tenant au fait que l’on sent bien que le temps a passé ou est en train de passer des grands principes issus de la philosophie occidentale, car le centre de gravité du monde se déplace vers l’Asie, il faut le constater, il faut aussi l’admettre (ce qui demande aux occidentaux un certain effort) sans pour autant s’écarter de la règle de droit, mais en veillant à ce que celle-ci fasse l’objet des révisions ou aménagements rendus nécessaires par cette nouvelle donne.

A cet égard, on lira avec grand intérêt le pamphlet de Kishore Mahbubani : Has the West lost it ? A provocation. Dans ce petit ouvrage d’une centaine de pages, ce diplomate, professeur de l’Université de Singapour montre que le monde entre désormais dans une nouvelle ère. Après une période de 200 ans de domination de l’Ouest sur les civilisations de l’Inde et de la Chine présentées comme les plus grandes économies de l’antiquité à 1820, celles-ci retrouvent leur suprématie après la suprématie de l’Ouest qui serait ainsi une simple parenthèse. Il déplore les erreurs fatales commises à l’ouest telles que l’intervention en Irak ou en Libye, le manque de considération et l’humiliation de la Russie et de l’Iran, la désastreuse gestion de la crise migratoire etc. et il appelle donc les élites de l’Ouest à saisir le sens de ces évolutions et à s’adapter aux nouvelles donnes même si ce n’est pas une tâche facile.

L’intérêt de ce texte étant qu’il n’est animé d’aucun esprit de revanche ou de compétition agressive mais tout au contraire, écrit par une personnalité d’une grande expérience de la coopération et du multilatéralisme et clairement habitée par le désir sincère que soient mises en œuvre des approches dans lesquelles tous se retrouveraient. Ces questions doivent être abordées frontalement.

C’est ce que nous ferons, je l’espère sincèrement, pendant ces deux jours où, je l’espère aussi, nous nous interrogerons sur nos sociétés pour le droit international sur la façon selon laquelle elles ont réussi ou non l’adaptation aux changements et si pouvons espérer savoir apporter notre pierre aux réponses qu’exigent les défis d’aujourd’hui.

Pour ce qui est de l’Académie de droit international de La Haye, elle s’enorgueillit d’accueillir pour donner des cours les meilleurs représentants de la doctrine du droit international public ou privé.  Cela ne signifie pas que les choix ne soient pas parfois discutés et qu’à  telle personnalité invitée  il aurait mieux valu préférer telle autre qui ne l’a pas été. Surtout, il est bien évident que n’être pas invité à l’Académie ne signifie pas qu’on ne le mérite pas ! En effet, on ne peut exclure des oublis ; il y a surtout des empêchements, des imprévus, et principalement la contrainte d’essayer de réaliser un certain équilibre géographique qui peuvent expliquer des absences surprenantes.  Tout cela vaut aussi bien pour les cours spéciaux que pour le cours général.

Le cours général n’est nullement une répétition du cours de droit international général au programme de nombreuses universités. Il est en réalité le fruit d’une pensée sur le droit international développée au fil d’années de recherches, de réflexions et d’écritures permettant à de brillants tenants de la doctrine d’offrir une vision distanciée et critique conduisant les auditeurs à une quête d’approfondissement de la matière ou, parfois aussi, à des remises en cause de certains de ses éléments. D’un cours général émanent un certain nombre d’idées forces qui reflètent le plus souvent les préoccupations du moment.

Aux messages ainsi recueillis par ceux qui les suivent comme ceux qui les lisent une fois publiés et voient leur savoir s’enrichir, s’ajoute un effet d’inspiration possible des « faiseurs de droit ». On ne peut en effet négliger, dans le développement du droit international, l’impact d’environ 130 cours généraux de droit international public ou privé auxquels s’ajoutent plusieurs centaines de cours spéciaux pour constituer dans un ensemble de 400 volumes du Recueil, exprimant la temporalité du droit international et aidant ainsi à son développement réfléchi au regard du contexte du moment. Sans oublier les livres de poche au nombre d’une quarantaine aujourd’hui !

Quant aux auditeurs de l’Académie, j’ai toujours été frappé de voir à quel point, à la clôture d’une session ils rentraient chez eux pénétrés par le droit international, convaincus de sa nécessité et de ses potentialités.

Dans l’organisation de ses programmes, il n’est cependant pas certain que l’Académie ait su parfaitement rendre compte de la diversité de la société internationale. Si la centaine de nationalités qui y est représentée par les 650 auditeurs de chaque été auxquels s’ajoutent depuis 2019 environ 300 de la session d’hiver est un indéniable succès, le même pluralisme ne se rencontre pas parmi les professeurs. Seulement un asiatique, deux latino-américains et trois africains ont donné un cours général. Maurice Kamto est programmé pour 2022. Est-il besoin de dire que nous gardons espoir en sa venue. 

Le reproche d’être trop « occidentale »  est donc parfois adressé à l’Académie. Cette situation a pu se justifier par l’origine européenne du droit international combinée avec la densité du tissu universitaire en Occident. Cette justification n’est aujourd’hui plus guère fondée : le droit international du XXIème siècle, même si l’influence occidentale y perdure fortement, est l’objet  d’une plus grande variété d’influences dont il faut davantage rendre compte et un nombre considérable d’universités ont été créées dans les divers pays du monde. Peut être ne sont-elles pas assez connues ou l’Académie n’y a-t-elle pas encore assez pénétré ? J’espère de tout cœur que la présente réunion contribuera puissamment à améliorer la situation et à ouvrir l’Académie à ceux qui, bien à tort, n’y ont pas encore été invités. J’espère enfin que, comme les sociétés ici représentées, l’Académie saura tirer des échanges qui vont se produire, les bienfaits de l’ouverture, des convergences, des coopérations, bref d’une forme de multilatéralisme !

Tel est, avec le succès des travaux dont je ne doute pas, le vœu que je forme pour toutes les sociétés de droit international comme pour l’Académie qui, encore une fois est honorée et heureuse de vous accueillir.

Allocution d'ouverture - S. E. Monsieur le juge Abdulqawi A. YUSUF, Président de la Cour internationale de Justice

Excellencies,

Ladies and Gentlemen,

  1. It is a great pleasure for me to extend a warm welcome to you all and to the “world of international law”, which you represent, to the Peace Palace where the International Court of Justice and its predecessor the Permanent Court of International Justice have exercised their mandate of settling disputes among States in accordance with international law for almost a century now.
  2. I wish to pay tribute at the outset to the organizers of the meeting, the French Society of international law and the Hague Academy of International law, and in particular to a man who has devoted a lot of energy, time and savoir-faire to bring together all societies and associations of international law for the second time in the last few years, Professor Alain Pellet, as well as to the team that assisted him in this task.
  3. This is an initiative which deserves to be highly commended, and it is to be hoped that the success of this second meeting will encourage others to take up the torch and to ensure that this “mother of all networks of international law” will continue to be convened in different parts of the world to take forward the dialogue and exchange of views started in Strasbourg in 2015.
  4. The dialogue among publicists, including those referred to in Article 38(1)(d) of the Statute of our Court, in the scholarly societies which you represent, or at a venue like this one, is of great interest to the Members of our Court. That is why several Members of the Court have directly participated in the creation of national or regional associations of international law. I was, as a young international lawyer, involved in the establishment of the African Association of International Law, already in 1986, in Lusaka, Zambia, at a time when no other regional societies existed. Later, my colleagues, Judges Owada and Xue contributed a lot to the creation of the Asian Society of International Law; while Judge Cançado Trindade did the same with regard to the Latin-American Society of International Law. However, this dialogue cannot and should not be limited to a mapping of the contours of the existing rules of the law. It must encompass the extension of such rules to the emerging needs of society and the challenges facing it. I was therefore pleased to find in the brochure for this meeting a page entitled “An important caveat” , which calls on the participants “to reflect together on the serious challenges facing international law and the role that societies can play in addressing them.”
  5. The challenges faced, by international law relate primarily, in my view, to its ability, its capacity to serve human society. We should indeed keep in mind that the rules of international law exist only because and for the benefit of the society that they serve. Thus, if the rules and institutions that have served humanity so well in the past seventy-five years are ignored, curtailed or set aside, it is the progress and well-being of humanity that will suffer. Some may think today that such actions only affect others and do not directly concern them; but sooner or later, they will affect all of us. That is the first challenge.
  6. A second challenge to the ability of international law to serve human society arises from its applicability or actual application to matters of common concern to humanity and to the commons. We have declared biological diversity to be of common concern to humanity, and we see it gradually disappearing before our eyes. We have declared climate change and the rising of the oceans a common concern of humanity, but we are struggling to have the law properly applied and extended to them. This is an area in which we need innovative and daring proposals and solutions by international lawyers. We no longer have the luxury of waiting to see how the practice of States evolves in these areas. We need avant-garde legal action. Above all, we need to put more meat on the bones and flesh out the rules governing matters of common concern.
  7. A third challenge is the ability of international law to grapple with the impact of rapid technological advances on human rights and freedoms. Today, individual freedoms, individuality and independent thinking are at risk of being affected or even manipulated by technological tools in the hands of few major corporations in the most stealthy and Orwellian manner. Legal defenses need to be built against abusive behavior arising from the use of such technologies.
  8. What is then the role of learned societies and associations in this context? I believe that in addition to scholarly research and its dissemination, such a role should extend to advocacy, promotion and awareness-raising with regard to the role of  international law in the daily lives of all individuals and  There is no nation on earth that does not benefit from the rules-based multilateral system which governs all facets of international relations today, and it is in the interest of all to safeguard and protect those rules. As national and regional societies, you need to convey that message and publicize it as much as possible.
  9. I wish you great success in your deliberations.

Table ronde plénière - Nouvelle crise du droit international ou menace d’effondrement de l’ordre juridique international ?

REMARQUES INTRODUCTIVES - Mr. Miguel DE SERPA SOARES, Secrétaire général adjoint et Conseiller juridique des Nations Unies

 

Distinguished colleagues,

This is quite a unique gathering, where practitioners and academics can meet, reflect and discuss the challenges that the international legal framework is facing, and I am honored to launch this first plenary roundtable.

I leave the question of the conceptual analysis of the existence of a crisis of international law to the academic world.  I do not intend to provide an answer to this question, but to listen, with great interest, to the discussions that will take place during the next two days.

This gathering provides a unique opportunity for me, as a practitioner, and as United Nations Legal Counsel I am directly involved in the Secretary-General’s decision-making, to engage with the international law scientific community on important issues concerning international law.

In addition, as a member of two scientific societies, the Portuguese Society of International Law and the American Society of International Law, I follow, as much as I can, these scientific discussions and any potential outcomes.

The round table to which I have been invited has a suggestive title: “New Crisis of International Law or Threat of Collapse of the International Legal Order?”

In this regard, I would like to reflect on such a premise. In other words, I wish to discuss if there is such a crisis or if there is more what we could consider a perception of the existence of a crisis.

There are different indicators of a so-called crisis of international law, which fall into two major categories: (1) States disengagement from the production of norms of international law, in particular multilateral treaties; (2) lack of enforcement mechanisms, in particular when international law obligations are not respected.

I.

Regarding the production of international norms, and because of the time constraints, I will only refer to a couple of very recent examples, which counter the assumption of States disengagement in the production of international norms.

In light of the involvement of my Office in this endeavour, I wish to refer to the process regarding an international legally binding instrument under the United Nations Convention on the Law of the Sea on the conservation and sustainable use of marine biological diversity of areas beyond national jurisdiction (BBNJ).  I had the honour to open in August 2019 the Third Session of the BBNJ Intergovernmental Conference, which discussed the draft text of an agreement, prepared with the assistance of OLA.

The other very recent example is the adoption, on 7 August 2019, of the United Nations Convention on International Settlement Agreements Resulting from Mediation, known as “the Singapore Convention on Mediation”, with 46 States signing on the first day. This convention had previously been adopted by consensus by the General Assembly of the United Nations, in December 2018.

And I cannot avoid mentioning the annual Treaty Events which provide special facilities for the Heads of States or Government to sign multilateral conventions, of which the Secretary-General is the depositary, or deposit their instruments of ratification, accession or through other instruments establishing the consent to be bound.  The successive treaty events inspired a renewed enthusiasm for participation in these treaties by a growing majority of States.

These examples show that States production of norms of international law has not stopped. It also counters the idée reçue that States experience difficulties in reaching a consensus on questions of common interest.

I wish to end on this first point related to the production of norms by referring to the development of instruments of soft-law. As a lawyer coming from a civil law tradition, I am reluctant to discussions supporting an evolution from instruments of hard law to instruments of soft law, in light of the impact that such an evolution would have on the (lack of) assumption of new obligations by States.

II.

I mentioned earlier that enforcement was a second indicator of an eventual “crisis” of international law, which would relate this time to the respect of international law, and to eventual reactions to its violation.

The inactivity or paralysis of international jurisdictions, which is often mentioned as an indicator of the lack of appropriate international law enforcement mechanisms, needs to be reassessed in light of the important increase in the number of cases at the International Court of Justice (ICJ), in the past ten years, with currently 16 pending cases.  In addition, I wish to note, as a positive development, the diversification of the cases, which now concern States from all regions of the world and refer to different subject-matters.

In addition, UN-established international criminal tribunals have been finishing their work and closing their doors.  There has also been a multiplication of the number of arbitration clauses included in international legal instruments.

Where there are some critical situations in international dispute settlement bodies, it is often due to causes that go beyond the institution itself, as it is currently the case at the WTO or with the International Criminal Court.

There are however some areas where international law is being challenged. In this regard, the incapacity of the Security Council to react in certain situations where, in accordance with the UN Charter, it would be its responsibility to do so, is specially concerning.  This is particularly serious when we are referring to situations where violations of international humanitarian law and serious violations of international human rights law occur, as we have seen these last years with regard to the situations in Syria, Yemen and Myanmar.

What is often essentially a political question or dispute should not be automatically translated as an international law crisis.  It should be read in political terms, at a time where political organs are not fulfilling their responsibilities.

However, States have also found creative ways of countering political blockades. As an example, we are assisting to a new trend, since December 2016, in the field of international criminal accountability.  In contexts where it is difficult to foresee effective judicial accountability in the immediate future, there has been an increasing appetite, at a minimum, for gathering and securing evidence of atrocity crimes. Such evidence could be used in the future by national, regional or international courts that may have jurisdiction.  This represents a significant new approach in the field of international criminal accountability, focusing on supporting the prosecution efforts of other stakeholders rather than conducting its own prosecutions.  As of today, three mechanisms of this nature have been established, the International, Impartial and Independent Mechanism on Syria (the IIIM), UNITAD, for crimes committed by Daesh in Iraq, and, most recently, an Investigative Mechanism regarding the situation in Myanmar.  I am aware that the legal basis of some of these mechanisms, particularly the IIIM, is disputed by some Member States but still, they exist and they are working.

III.

I will conclude my remarks by addressing another question to be discussed during these two days, which is the role of international law societies and their interaction with practitioners.

In this regard, substantial bridges between Academia and decision-makers in the field of international law should be built.  Decision-makers act under pressure, and react to urgent matters which require immediate action.  I believe that decision-makers would benefit from the cooperation of academia and scientific societies.  In this regard, I would encourage the development of focused discussions, as the American Society of International Law has been organising lately, which could be useful in decision-making processes.

In order to get there, different channels of communication need to be open, and academic networks and scientific societies should think about using existing fora, in particular within States, which are the ones discussing matters of common interest in intergovernmental meetings.  Discussions on frontier issues and in new fields (for example, cyberspace, artificial intelligence) are of special interest.  But at the same time, practitioners are constantly discussing and revisiting classical questions of public international law related, for example, to the use of force and self-defense, legal aspects of peacekeeping operations and interpretation of Charter provisions.

I will conclude these remarks by saying that from my personal experience, international law is still a fundamental component of the international order.  It is our collective responsibility to ensure that remains so.

Thank you.

DISCOURS DE CLÔTURE - S.E. Mme María Fernanda ESPINOSA GARCES, Présidente de la 73ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies

Justice Abdulqawi A. Yusuf, President of the International Court of Justice,

Mr. Alain Pellet, President of the French Society for International Law,

Mr. Yves Daudet, President, Curatorium of The Hague Academy of International Law,

Mr. Miguel Serpa de Soares, United Nations Under-Secretary-General and Legal Counsel,

Distinguished speakers, guests, ladies and gentlemen,

Good evening,

It is a great pleasure to join you for the Second World Meeting of Societies for International Law – and a privilege indeed to be here with Dame Rosalyn Higgins – first female judge and first female president of the International Court of Justice, as well as so many other distinguished lawyers, female and male.

While I was preparing my remarks, I was looking through my notes on gender representation in the UN system, and I saw that there have fewer than 10 female members of the International Law Commission in its seven decades of existence. I look at the expertise in this room and think: really, we must do better and I hope that I can count on law societies and associations to advocate for gender equality and representation.

Ladies and gentlemen,

I would like to focus today on the health of our multilateral system, which is often described as being at a crossroads but which I fear might now be approaching a tipping point.

We are witnessing the rise of nationalist populism and extremist ideologies, as the world becomes more multipolar but also more polarized. We have seen the impact of this trend on hard-won multilateral agreements and institutions: the Paris climate agreement; the global compact on migration; the Human Rights Council, the WTO, arms control instruments – these are just a few examples that I’d like to mention.

We are seeing long-established international laws and multilateral practices – which have delivered so much for the world since 1945 – devalued by geopolitical tensions, unilateralism, and ad hocery.

And we are seeing a growing disconnect between people, governments and institutions. People expect us to keep the promises we have made, through the 2030 Agenda for Sustainable Development, for example. But they are losing faith in our capacity to deliver for them.

Unless we reverse these trends, we risk damaging the values, principles, laws and systems that have been the bedrock of the international community for more than seven decades. And the irony is that these trends are occurring at precisely the moment when we need global cooperation more than ever.

Dear friends,

The Charter of the United Nations and the Statute of the International Court of Justice were signed at the same time. These two elements – political and legal – form the mutually reinforcing core of our international system.

And over the past seven decades, the UN has provided the framework for international laws, norms and mechanisms on everything from the promotion of human rights and gender equality to the regulation of nuclear, biological and chemical weapons.

These frameworks have often proved incredibly successful – the Montreal Protocol, for instance. Or the Nuclear Non-Proliferation Treaty. Who in the 1960s would have thought that the number of nuclear-armed states would still be in single digits today?

And the General Assembly, the world’s most representative and democratic forum, has been crucial to these efforts. Its Sixth Committee on legal matters, alongside the International Law Commission, maintain a constant focus on opportunities for development of international law in accordance with the UN Charter.  The Assembly itself plays a vital role in norm development, often serving as both the starting and confirmatory point for declarations and conventions.

The Assembly’s processes are not perfect. The debates we have seen over the referral of issues to the ICJ is a prominent example of the difficult nexus between the political and the legal.

But it is my firm conviction that the United Nations, and specifically the General Assembly, remains essential to the upholding and development of international law. There is simply no other forum that can match its representativeness and legitimacy.

During this session, the UN General Assembly  discussed a number of issues – tackling hate speech whilst protecting freedom of expression; regulating technologies such as social media and lethal autonomous weapons; protecting the environment during armed conflict; moving towards a Global Pact for the Environment, to name just a few – that are likely to grow in prominence and urgency, and that will need ongoing engagement with stakeholders, including law societies. Indeed, I know that you have discussed some of them today.

We need your expertise, your commitment, your voice as advocates of international law as the strongest tool for human coexistence, for weaving the balance needed for a sustainable world between economic interest, nature’s integrity and human dignity.  

Ladies and gentlemen,
It is clear that I cannot give you firm answers – that is something that both lawyers and diplomats are wary of! But let me close with a couple of opportunities.

First, there is growing recognition that we urgently need a stronger multilateral and rules-based system to protect our global commons, such as the atmosphere, the ocean, the cyberspace, and global goods, such as international peace and security.

And second, there is the UN’s 75th anniversary next year, which I hope will be an important inflection point for these conversations, and to engage new and wider audiences, as you have done here.

So, I commend you once again for this event and thank you for inviting me. You have gathered despite the headwinds we face – indeed, because of them – we need more scholarly debates, more analysis and more co-operation between sectors. We need to talk the talk, the refresh our narratives in order to connect the principles of the UN Charter with the contemporary challenges such as climate change, new technologies or violent extremism.

In current times, we need a strong, predictable, reliable international law order in order to deliver on the three pillars of the UN Charter, peace and security, human rights, and development, which has been translated into a very powerful contemporary social contract: the 2030 Agenda and the sustainable development goals.

I would like to end with a quote from Martin Luther King that I am sure is well known by this audience:

“Morality cannot be legislated, but behavior can be regulated. Judicial decrees may not change the heart, but they can restrain the heartless.”

And indeed, international law can protect those most vulnerable to abuse, oppression, and harm. It can be the voice of the speechless, including the voice of nature.

The rule of law has been the foundation of our post-war multilateral system. And it is the foundation we need for our future, to tackle the threats we face and to seize the opportunities we have to build a safer, just and more sustainable world.

Thank you.

DÉCLARATION FINALE adoptée à l’issue de la Rencontre de La Haye des sociétés pour le droit international

Les sociétés savantes qui ont pour objet la connaissance et la promotion du droit international se sont réunies à La Haye les 2 et 3 septembre 2019 à l’invitation de la Société française.

Cette deuxième rencontre, après celle de Strasbourg en 2015, s’est inscrite dans un contexte de crise de confiance dans le droit international. Depuis la seconde guerre mondiale, le droit international repose essentiellement sur trois piliers : le système de sécurité collective, le multilatéralisme et la protection des droits de la personne humaine. Paradoxalement, ces piliers sont ébranlés alors que jamais États et sociétés humaines n’ont été aussi interdépendants. Pourtant, la tentation de l’unilatéralisme et de l’isolationnisme se fait sentir dans un nombre croissant de domaines dans lesquels la coopération internationale s’impose.

Les sociétés pour le droit international partagent la conviction que les principes fondamentaux du droit international n’ont rien perdu de leur pertinence. Au contraire, c’est en s’appuyant sur ces principes que des réponses communes ou coordonnées peuvent être apportées aux défis régionaux ou globaux.

Cependant, le droit international doit s’adapter à l’accélération et à l’évolution permanentes des sociétés, des technologies et de l’économie. Cela passe, notamment, par le renforcement des coopérations régionales, un recours au droit souple lorsque l’adoption de règles « dures » se révèle inappropriée, ou la reconnaissance de la part que les acteurs non étatiques (entités infra-étatiques dont les minorités y compris les peuples autochtones, société civile, ONG, entreprises, institutions académiques, sociétés savantes…) peuvent prendre dans la construction de ces solutions communes ou coordonnées.

Depuis près d’un siècle, l’article 38 du Statut de la Cour permanente de justice internationale puis de la Cour internationale de Justice consacre « la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations comme moyen auxiliaire de détermination des règles » du droit international. La multiplication des sociétés savantes a notamment vocation à encourager son développement.

Chaque société pour le droit international a sa propre histoire et sa propre organisation. Les sociétés varient dans leur composition et leurs activités, en associant à des degrés divers universitaires et praticiens, spécialistes de droit international public et de droit international privé. Loin de nuire à leur mission commune au service du droit international et de sa connaissance, cette diversité est en elle-même une richesse.

Les rencontres de Strasbourg et de La Haye ont été l’occasion d’affirmer que les sociétés savantes, qui ont contribué, et continuent à contribuer, à façonner et à consolider les règles du droit international, ont toujours un rôle fondamental à jouer pour accompagner, anticiper et promouvoir les nécessaires évolutions du droit international. Concrètement, au gré d’initiatives bilatérales, régionales ou transrégionales, la coopération entre nos sociétés pourrait se décliner de différentes manières :

  • meilleure coordination des travaux et identification de thématiques d’intérêt commun;
  • mobilisation conjointe des ressources en faveur de grandes causes internationales;
  • incitation à des échanges propices à l’expression du pluralisme des cultures juridiques, des approches du droit international et des méthodes de travail et à une meilleure compréhension mutuelle ;
  • encouragement au dialogue avec la société civile, les médias, les décideurs politiques, les juges internes et internationaux, et les représentants d’autres disciplines académiques;
  • promotion réciproque d’initiatives, travaux et publications clés des sociétés savantes ainsi que des échanges entre internationalistes, particulièrement des jeunes générations ; etc.

Le Réseau mondial des sociétés pour le droit international, établi en 2015, constitue un espace approprié pour développer les synergies entre les sociétés et permettre nombre d’activités, au gré des besoins et des occasions.

Les participants à la Rencontre de La Haye forment le vœu que les sociétés pour le droit international continuent de se réunir à intervalles réguliers. lls accueillent avec reconnaissance la proposition de la Société péruvienne de droit international d’accueillir la prochaine Rencontre à Lima en 2021, année durant laquelle seront célébrés le bicentenaire du Pérou et la création de son Ministère des Affaires étrangères.

La Déclaration a été adoptée par acclamation à l’issue de la Rencontre ; ses termes n’engagent ni les sociétés représentées ni les autres participants.